Les sorcières

Tables des matières

Véritables légendes des contes pour enfants, les sorcières ne se laissent pas oublier. Depuis environ dix ou vingt ans, on en a plus appris sur elles que depuis deux siècles. L’image traditionnelle qu’avaient tracée quelques auteurs, celle de la sorcière herboriste, révoltée sociale au temps des cathédrales, a bien pâli. 

Loin des clichés sur le Moyen-Age, la sorcière diabolique n’est pas figure médiévale, mais bien plutôt de la Renaissance et du début des Temps modernes. On l’a surtout chassée et tuée en masse entre 1560 et 1650, quand l’époque médiévale était déjà bien loin, au moment où les idées de tolérance et de rationalité commençaient même à poindre en Europe. 

Elle fut une victime des Modernes et non des Anciens.

La sorcière : le diable anthropomorphique

A partir du XVe siècle, les chercheurs et les hommes d’église s’activent à définir une véritable science du démon, la démonologie. Encyclopédie des croyances paganistes locales, des pratiques magiques et autres superstitions de masse, la démonologie sert de base aux intellectuels catholiques pour étouffer à petit feu les anciennes croyances et repérer les prochains hérétiques.

Satan se fait de plus en plus obsédant dans la culture européenne à la fin du Moyen Âge. Les penseurs chrétiens parviennent à l’aide de sermons et de messes anxiogènes à imposer au grand jour ce mythe monastique obsessionnel. 

Pour le faire craindre par des populations habituées à une image plus humaine, souvent grotesque, du Malin, on dit que le diable serait désormais capable d’user de nouveaux subterfuges et s’approprier des traits humains. Sous entendu, le diable peut être partout, sans qu’on ne le sache. La menace est constante. 

Bien entendu, ce changement de paradigme ne s’est pas fait en un jour. Cette nouvelle esthétique menaçante du diable personnifié a bien mis plus de deux siècles pour s’immiscer dans des cercles sociaux de plus en plus larges. 

Vous l’aurez sans doute deviné, ce diable personnifié, humanisé  et finir par produire un archétype humain du Mal absolu incarné par la sorcière.

Chasser les hérétiques

Pour la première fois en ce XIe siècle, on procédait officiellement à un massacre d’hérétiques en France.

La chasse générale commence vraiment quand, en matière religieuse, politique ou sexuelle, il devient obligatoire de démontrer son innocence, chose, comme on sait, toujours fort difficile à établir. Le soupçon, une idée neuve au XIe siècle, fait presque déjà office de condamnation. Pour l’Église, il y a deux sortes d’ennemis : ceux de l’extérieur, à convertir, et ceux de l’intérieur, à faire disparaître. 

Les sorcières sont à la fois ennemies de l’intérieur et de l’extérieur. Jugées d’abord comme des médiocres païennes, et donc tolérées, elles passent ensuite dans la seconde catégorie, celle des blasphématrices de l’Église poussées par des forces diaboliques. Difficile de sortir innocente dans ce système d’accusations arbitraires. 

Aux XIIe et XIIIe siècles, un mouvement général plus sévère, avec l’adoption d’une mentalité de punition, s’instaure petit à petit. La sphère privée se rétrécit de façon importante pour tous : hommes et femmes, citadins et campagnards, laïques et religieux. Tout acte est prétexte à une possible condamnation. 

Le Sabbat

L’idée du sabbat où se rendraient les « dames de la nuit » a cependant eu du mal à s’imposer, en particulier en raison des réserves de l’Église. Elle n’est pas acceptée par tous, en tout cas au même moment mais finit par s’imposer dans l’Europe entière à la fin du XVIe siècle.

Guillaume d’Auvergne, évêque de Paris au XIIIe siècle, y croyait un peu plus tôt que les autres. Il rapporte qu’on y baisait les chats sous la queue, probablement une illusion du Diable lui-même. On avait depuis longtemps parlé des diners cannibales où les hérétiques mangeaient des petits enfants. 

Ironiquement, les premiers chrétiens avaient même subi ces accusations de la part des Romains, à cause de l’eucharistie, la communion par le pain et le vin identifiés au corps et au sang de Jésus.

Le Sabbat des sorcières, Francisco de Goya, 1798.

Le Malleus Maleficarum

Les deux dominicains, Insistor et Sprenger, se connaissaient de longue date lorsqu’ils entreprirent de publier le Malleus. Une circonstance particulière les y décide. Comme ils le racontent dans leur livre, en 1484 ils ont connu de la sorcellerie à Ravensbourg, où ont été jugées une cinquantaine de femmes pour sabbat, prostitution à des incubes, meurtres d’enfants et autres atrocités. 

Le portrait-robot avait bien été diffusé de bouche à oreille dans la région, on connaissait ces histoires de sabbat, de sorcières folles de leur corps et leurs maléfices diaboliques,

Le texte s’attache longuement, dans ses deux premières parties, à démontrer la variété des maléfices, leur nombre et surtout leur réalité. Les auteurs affirment que me Diable peut agir réellement sur les hommes, les bêtes, le temps, les récoltes. 

Le détail des maléfices répandus y est aussi explicité : calamités agricoles, enfants assassinés pour fabriquer des onguents, poudres, empoisonnements, envoûtements par figurines de cire. Le livre était assez convaincant parce qu’il apportait des faits (ou prétendus tels), des anecdotes, des aveux. 

Emmanuelle Alavoine
Emmanuelle Alavoine
Journaliste amoureuse de la peinture expressionniste et pro dans l’art de se perdre dans les allées des musées. Toujours présente aux concerts de chanteuses mélancoliques et autres rockeurs kitsch. Débattre inlassablement et refaire le monde autour d’un verre de vin, vous dites ? Je suis partante !
Poursuivez la lecture :

Engagé pour l’environnement : compensation de l’impact carbone de notre site internet En savoir +