Le diable ou l’incarnation du mal

Bête à cornes ou ange déchu, le diable prend de multiples formes pour tenter les plus innocents d’entre nous. Mais qui est vraiment celui que l’on tient responsable de tous les vices ?
Tables des matières

Bête à cornes ou ange déchu, le diable prend de multiples formes pour tenter les plus innocents d’entre nous. Mais qui est vraiment celui que l’on tient responsable de tous les vices ?

Contrairement à l’idée que l’on peut s’en faire, le diable est loin d’être une création purement judéo-chrétienne, comme si les Juifs puis les Chrétiens avaient tout inventer.. Ce serait bien trop réducteur de limiter son origine à la bible et à la Genèse. Justement, on ne trouve dans les textes de la Bible juive, aucune mention de « démon » à proprement parler. Leur nom, emprunté au grec « daïmôn », « le conseiller intime », est sans rapport avec la culture judaïque.

Bien sur, le diable est irrémédiablement lié à la bible, c’est impossible de dire le contraire, mais son histoire est bien plus complexe. Et il n’en fallait pas moins pour un tel personnage, ou devrais-je dire de tels personnages au pluriel ! Le diable est certes une créature bien singulière, il est loin d’être le seul à incarner le Mal. Pour comprendre ça, il faut et remonter près de 4000 ans avant notre ère, dans la mythologie orientale.

Sur le plan religieux, les Cananéens adorent de nombreuses divinités. Le dieu El (d’ou naitra d’ailleurs le nom d’Israel), son fils Baal et la déesse Ashera, et d’autres divinités sumériennes comme Ut-Shamash. La nature et les fonctions de Baal, qui signifie signifie « seigneur », nous sont parvenues grâce à un certain nombre de tablettes vieille de 4000 ans, découvertes en 1929 à Ugarit, dans l’actuelle Syrie du Nord.

Les Cananéens contemplent le victorieux Baal et font de lui le maitre du soleil et de l’orage, dieu des récoles abondantes et de la fertilité. On lui attribue par exemple le pouvoir de délivrer les hommes des mouches qui ruinent les moissons et est représenté avec un éclair en mains. 

Règne de Jézabel et chute de Baal

Quand les Hébreux se sont emparés de la région de Canaan, eux même se sont mis à rendre un culte à Baal, qu’ils considèrent comme le dieu du pays. Certes, au début le nombre d’adorateurs est limité, mais sous le règne d’Achab, roi d’Israël, et de Jézabel son culte est plus florissant que jamais.

Jézabel, princesse phénicienne originaire de Sidon, a toujours voué un culte au dieu Baal contrairement à son époux. Elle est mariée, par contrat, au roi Achab du royaume d’Israël afin de créer une alliance entre ce royaume et son État d’origine, Sidon.

Dès son arrivée dans son nouveau pays, Israel, elle entre presque immédiatement en conflit avec la classe religieuse en important ses propres prêtres et prêtresses et en érigeant des sanctuaires et des temples aux dieux cananéens.

Un duel est organisé pour prouver la supériorité de Yahvé sur Baal en invoquant les dieux d’enflammer un taureau sacrificiel sur un autel. La divinité qui parviendrait à enflammer le taureau remporterait le défi et serait reconnue comme le vrai Dieu. Yahvé l’emporte sur Baal.

Pour assoir la souveraineté de leur dieu Yahvé, les juifs remodèlent l’image de Baal et ses seconds. Le grand seigneur cananéen est tourné en dérision et les hébreux font de ses multiples représentations des êtres vils, dont le plus connu reste Belzébuth.

De Béelzébul il devient Béelzébub, qui, selon la tradition rabbinique, signifie “Seigneur de l’ordure”, « Prince du fumier » ou encore “Seigneur des mouches”. Ce lien avec la mouche viendrait du fait que, dans les temples, sa statue, souvent maculée du sang des sacrifices, était toujours couverte d’insectes.

John Bunyan, 1678

Le Mal judéo-chrétien

C’est ici que l’histoire se corse. L’influence des mythologies mésopotamiennes, syrienne et gréco-romaine sur les origines du Mal sont certes indéniables. Pour autant, il serait présomptueux de penser que les Juifs puis les chrétiens ont simplement réinterpréter ces mythes à leur manière pour les inclure dans leur culte.

Pour certains théologiens et historiens, comme Claude-Gilbert Dubois, les démons et le diable seraient apparu bien plus tardivement qu’on ne le pense dans la Bible, et évoque même d’une « inexistence biblique des démons ».

La Bible juive comporte des références à certaines créatures monstrueuses, mais qui ne peuvent en aucune manière être considérées comme des « démons », agissant avec un dessein pervers caractérisé. Il s’agit plutôt de l’équivalent biblique des monstres de la mythologie païenne, grecque, égyptienne ou mésopotamienne.

Béhémoth et Léviathan que l’on retrouve des les textes apocalyptiques juifs, en sont de bons exemples.

Béhémoth est d’abord un nom commun qui désigne le bétail. Dans sa dénomination biblique, il représente la Bête. Mais attention, pas la Bête associée au Mal mais à la force animale que Dieu le créateur peut maîtriser et dont la domestication échappe à l’homme. Sa description se rapproche de celle d’un hippopotame sur certains bas-reliefs égyptiens.

Le Diable, chef des Démons, Satan ennemi de Dieu, est quant à lui totalement étranger à la Bible juive, et ne concerne en aucun cas les relations directes de Dieu à l’Humanité.

Pourtant, dans l’Ancien Testament, satan existe bel et bien. Et contrairement à ce que vous pouvez vous dire, je ne fais pas de contre-sens !

« Le satan » de la Bible hébraïque est celui qui conteste, qui contredit. Il tient même une place primordial aux cotés de Dieu, dans le rôle du procureur ou de l’accusateur.

L’article ‘le’ semble ici indiquer que le nom renvoie à la fonction. La racine hébraïque « stn » veut dire discuter ou contester. On peut donc considérer le Satan comme un de ces « fils de Dieu » qui constituent le premier cercle de la cour divine.

Naissance du diable chrétien

Le Nouveau Testament apporte aussi un autre message. Au Dieu vengeur de l’Ancien Testament se substitue un Dieu de paix, incarné par son fils. A la femme pécheresse, Ève, s’oppose Marie, Vierge et Mère. Au péché, la rédemption.

Le Christ est venu pour remettre les péchés du monde et toute sa vie apparaît comme une lutte incessante contre le péché, jalonnée de miracles attestant la supériorité du Fils de Dieu sur les ténèbres.

Dans le Nouveau Testament, la tradition chrétienne parle, sans porter atteinte à la foi, du « diable » : dia-bolos, celui qui divise. Elle reprend aussi la figure de Satan, l’Accusateur ou l’Adversaire, qui cherche à profiter de la moindre faiblesse pour détruire.

C’est à ce moment qu’il devient l’incarnation même du Mal.

Emmanuelle Alavoine
Emmanuelle Alavoine
Journaliste amoureuse de la peinture expressionniste et pro dans l’art de se perdre dans les allées des musées. Toujours présente aux concerts de chanteuses mélancoliques et autres rockeurs kitsch. Débattre inlassablement et refaire le monde autour d’un verre de vin, vous dites ? Je suis partante !
Poursuivez la lecture :

Engagé pour l’environnement : compensation de l’impact carbone de notre site internet En savoir +